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Travaux en cours, risques de chutes
22 octobre 2013

1. Nuit d'ivresse

Ah mais quelle soirée, mes aïeux, quelle soirée ! Vous êtes venue très habillée, et la décontraction de ces riches Français décomplexée vous met mal à l’aise, dès le début : endimanchée alors que c’est fun, qu’on s’amuse, en chemise bien cintrée jeans bien coupés pour les hommes, robes légères et amples pour les femmes on s’éclate on boit on rigole on danse ! la maîtresse de maison hilare vous prend par la main pour vous entraîner sur la piste, en terrasse, vous entamez ‘Alors on danse » d’une voix un peu pompette et tournoyez comme une grand tournesol sur la pelouse avant de vous asseoir mollement dans un fauteuil club.  Récemment expatriée dans cette ville du Maghreb, vous n’aviez jamais mis les pieds dans ce quartier réservé aux villas de luxe des nouveaux riches locaux et des Européens bien installés : piscines, maisons immenses au parterre de marbre, fontaines couvertes de mosaïques, lumières vertes et roses sur les palmiers. Luxe, hystérie et volupté : c’est marrant, d’ailleurs, d’imaginer qui va finir la soirée avec qui parmi ces couples mûrissants et décomplexés, tellement libres heureux sans contraintes. Vos hôtes ont fait les choses comme il se doit : location d’un DJ, d’un traiteur venu avec le mobilier de jardin, les bougies autour du bassin sous le clair de lune, les toasts aux mille saveurs, et surtout, l’alcool qui coule à flot, les rails de coke à l’arrière de la cour – c’est le traiteur aussi ? non ce n’est pas possible, vous gloussez comme une de ces dindes qui se trémousse sur un canapé en cuir, string noir sous pantalon blanc serré. Votre mari serre des mains, parle affaires. Vous avez encore envie de danser, un verre de martini à la main, alors que la musique de plus en plus forte vous enivre délicieusement. C’est vendredi soir, on vous a annoncé une soirée « no limit » sans les enfants, qui sont dûment gardés par des bonnes africaines - elles parlent français et cuisinent moins gras que les locales, moins chères mais moins fiables- et c’est le moment où jamais de décompresser à fond, de tout oublier, de se laisser griser par la musique le foie gras les rires ; vous avez quarante ans moins vingt-cinq, le maquillage nude, so natural, cache bien les rides, et avec un grand rire tout passe, même la bretelle disgracieuse de votre soutien-gorge à petit prix qui tombe sans arrêt sur votre épaule et que vous remettez d’un geste so natural en passant d’un groupe à l’autre. Des expats et des femmes d’expats, les premiers bossant en général plus de quatre-vingt heures par semaine, banquiers, experts, informaticiens en développement, spécialistes et directeurs généraux, les deuxièmes, quand elles ne travaillent pas dans le marketing ou la finance, donnant des ordres à des petites bonnes et buvant des cafés crème au café, faisant du shopping en regrettant la France. Qu’on reconstitue ici avec encore plus de luxe, d’audace, de liberté : car en France on se pèle, ici il fait encore plus de vingt-cinq degrés, c’est la fête. Comment ces gens pourraient-ils retourner en France ? quelle drôle d’idée. On est si bien ici, malgré tous les sacrifices qu’on a faits : mais où as-tu trouvé les baskets de ton fils ? le mien veut les mêmes, et c’est im-po-ssible d’en trouver ici… (regard navré). Ah au fait il paraît qu’ils vont enfin construire un théâtre ici ? C’est aps trop tôt parce que c’est le vide culturel ! Vous avez testé le nouveau restaurant japonais sur la Corniche ?... Ah le service est désastreux… oh, comme d’habitude… (regard encore plus navré). Pendant que ces dames, entre deux danses, échangent bonnes adresses et récriminations, vous vous êtes assise, pensive, les yeux dans le vague, mirant l’eau claire du bassin où se reflètent des ombres. Le personnel s’affaire en cuisine. Vous regardez, désinvolte, le serveur en lui tendant un verre vide et écrasez votre cigarette, machinalement, par terre ; il y aura bien quelqu’un pour ramasser.

a) vous prenez un troisième verre de vinhttp://www.canalblog.com/cf/my/?nav=blog.manage&bid=856625&pid=28268701 (numéro 2)

b) Vous prenez un verre d'eauhttp://www.canalblog.com/cf/my/?nav=blog.manage&bid=856625&pid=28268543 (numéro 3)

 

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  • En lisant, en écrivant, en moins bien: ce blog est un journal, qui mêle réflexions personnelles à partir de livres et essais de fiction, mêlant sans prévenir le vrai et le faux, dont j'essaie ici de comprendre comment ils créent de la littérature.
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