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Travaux en cours, risques de chutes
2 octobre 2013

Une couverture orange

Filent les rames, filent les heures et les trams, tout circule à qui mieux mieux. On va bientôt commencer les travaux de la deuxième ligne. La circulation merveilleusement s’enfle et se dissout selon les flux les heures le temps, vite, vite, le temps fluide fuit et les roues sans un bruit sans un plat sans un accroc mineur sur les rails parfaitement lisses brillants inoxydables déroulent leur acier : puissance, rapidité, modernité.

Vendredi, treize heures quatorze. Alors que la rame 45 prend pour la huitième fois de la journée le grand virage de la place de l’Indépendance, sous la conduite fatiguée d’Hicham, du ciel ou des immeubles avoisinants tombe une couverture : après quelques minutes à planer entre terre et ciel, elle finit par se poser, comme l’aile d’un grand oiseau, sur l’un des caténaires du tram, bloquant immédiatement la transmission électrique. Par chance, d’ailleurs, cette fois le système d’alarme a fonctionné, ce qui n’a pas toujours été le cas à d’autres occasions : à plusieurs reprises en de tels cas des éclairs ont zébré les câbles et fait craindre l’électrocution et l’incendie de toute la rame. Mais on apprend de ses erreurs, ce qui en l’occurrence est plutôt heureux : comme régulièrement couvertures, tapis ou couettes dégringolent des balcons où les femmes de ménage les étendent pour les secouer et azimuter poussières et vilains microbes, la solution est parfois un peu radicale, si le vent se lève, qu’une porte claque à l’intérieur, qu’un chat passe entre le fer de la rampe et la tenture : tout se casse la figure, et c’est le caténaire qui se trouve doté d’un système couvrant-chauffant aussi inutile que périlleux pour ses utilisateurs.

Bref, cette fois, pas de drame mais pas d’électricité. Le conducteur qui n’a rien vu venir mais se trouve soudain immobilisé, incapable de repartir après l’arrêt en station où l’incident a eu lieu, sort de sa cabine, découvre la couverture, à trois mètres au-dessus de la fenêtre du quatrième wagon : dans le ciel absolument bleu, se découpe un grand couvre-lit orange, du plus bel effet. Surtout qu’en son milieu on devine le sourire de Mickey et un bout de ses oreilles. A la fenêtre d’un immeuble, au sixième étage, une femme se penche et crie : c’est vraisemblablement l’un de ses enfants qui pleurera ce soir la perte de sa belle couverture.

Hicham appelle le PCC pour qu’un technicien de l’équipe de maintenance vienne retirer l’objet du délit, et qu’on puisse repartir. Plusieurs appels sonnent dans le vide, et les passagers attendent, certains ouvrent la fenêtre et lui demandent ce qui se passe. Impuissant, il montre alors la couverture au-dessus de la rame, et explique que personne ne répond. Il ne peut pas repartir, il faut attendre. Au moins peut-on espérer que Mathieu, qu’il a eu rapidement en ligne, a réussi à faire arrêter la ligne, et que les trams ne vont pas venir s’agglutiner à la même station en attendant que la tension entre celle—ci et la prochaine ne soit rétablie, ce qui ne manquerait pas de causer un certain nombre de problèmes de flux : il faut imaginer deux, trois, dix trams se bousculant dans la même stations, et le trafic automobile interrompu, peut-être quelques taxis furieux venant de toute force essayer de s’intercaler entre la tête et la queue de l’une des rames, tachant de compresser la carrosserie rouge de son petit véhicule pour passer, passer vaille que vaille, passer là où le destin de son passager l’attend. Mais Mathieu va arriver dans quelques minutes, et cherche aussi à joindre l’équipe technique.

Seulement c’est l’heure de la prière, après laquelle chacun vaque à ses occupations, laisse trams et caténaires vivre leur vie en se consacrant au repos et au service de Dieu ; en d’autres termes, personne ne vient. Et les quarts d’heure d’attente s’enchaînent, et les passagers, pourtant habitués aux attentes sans fin, commencent à murmurer, proposent des idées, s’organisent : avec la béquille de l’un d’eux, un dégourdi finit par atteindre Mickey, qui choit de son équilibre hésitant sur la voie, et qu’un enfant vient chercher victorieux : l’impérialisme a beau briser la marche des peuples arabes vers le progrès, le peuple souverain sait le faire descendre sur terre, et s’emparer de sa dépouille. Le petit garçon tout fier de sa trouvaille s’en drape, un copain à lui prend une photo, tandis qu’il tend les doigts de la victoire, tel un athlète après son tour de piste, aux épaules le drapeau orange de la victoire, devant le tram qui devrait bientôt pouvoir repartir.

Seulement le petit malin qui a fait tomber le drapeau du bout de sa béquille aurait pu y passer, c’est déjà arrivé dans une ville voisine dans le même cas de figure, et Mathieu qui vient d’arriver sur place après une demi-heure d’embouteillages renforcés par les trams tous arrêtés sur la ligne n’en finit pas de crier, de passer sa main dans ses cheveux en imaginant le scandale si ce crétin s’était fait rôtir comme un poulet sur la ligne, n’en finit pas de tourner en rond sur la plateforme du quai en appelant les services techniques, n’en finit pas de crier au conducteur qu’il aurait dû évacuer le tram dès l’arrêt en station, n’en finit pas de chercher à joindre telle, ou telle personne, et quand est-ce qu’il revient ? Dites-lui de me rappeler immédiatement, n’en finit pas de maudire le vendredi pas saint du temps et l’heure de la prière, et de préparer ainsi, à n’en pas douter, sa propre rôtisserie dans les flammes qui attendent les mécréants- c’est du moins ce qu’on murmure dans un wagon de la rame.

Car le tram ne repart pas. L’enfant est toujours drapé dans la couverture, ses copains ont fini de l’applaudir et partagent des  noix de cajou grillées, les passagers regardent toujours par la fenêtre, chacun a appelé qui de droit pour expliquer un retard, reporter un rendez-vous ou bavarder en attendant. Les assis se sont cramponnés à leur siège, les debout ont changé de posture, fait les cent pas comme Mathieu sur le quai qui rappelle le PCC, le conducteur est à son poste, une manette à la main, attendant le signal et fixant le feu d’un œil fatigué –enfin s’il savait ce qu’il attend il se trouverait très en forme. Dans les vingt-sept stations de la ligne, passagers et conducteurs sont sur les starting-blocks en attendant que le trafic reprenne. Panne d’électricité ? Manque de réactivité des services techniques du PCC ? Seul Mathieu qui gigote sur le quai a l’air de comprendre, du moins de comprendre qu’il ne comprend rien.

Dans le doute, centralisons-réorganisons-planifions-donnons ordres et contre-ordres. En d’autres termes, l’électricité ne passe pas entre la station Place de l’Indépendance et la Fourche. Soit actuellement à quatorze heures ving-six minutes trois tramways bloqués sur voies. Mais si le trafic semble pouvoir reprendre sur le reste de la ligne, reste à savoir ce que vont faire les véhicules une fois arrivés, dans un sens comme dans l’autre, au point noir, en attendant qu’on répare la panne, si tant est qu’on puisse en venir à bout un vendredi après-midi. Hicham se surprend à penser que si les trams circulaient avec la même énergie qui alimente les réseaux téléphoniques, tout irait plus loin plus vite plus facilement –quitte à ce que certaines interférences viennent parfois brouiller conversations et trajectoires : on se croiserait percuterait rapidement et sans heurts, non madame ce n’est pas le bon numéro je vous en prie au revoir et on repartirait tout aussi alertes et connectés vers d’autres destinations toujours plus loin plus vite plus facilement. Les passagers que ne gagne pas la même insouciance rêveuse que leur conducteur s’énervent. Hicham est sommé de les faire descendre du tram, aidé par l’agent de station qui s’époumone sans succès depuis le début ; mais les gens refusent. Ils ont payé leur ticket, ils entendent être menés à destination. Hicham a beau expliquer, crier, promettre, prêt s’il le faut à héler un taxi pour faire déguerpir un passager particulièrement venimeux, rien n’y fait. On a payé, on reste. Mathieu appelle la police, et le fait savoir. Nul ne bouge. La tension est palpable, comme on dit, malheureusement pas dans les caténaires, et on va maintenant tenter une opération délicate : le rail-route, doté de sa batterie à usage personnel,  arrive enfin à quinze heures trente-trois. Poussif et trainassou, ayant dû braver des voies encombrées de trams à l’arrêt et attendre une régulation des flux tout à l’avenant, orchestrée par les malheureux agents de station fidèles au poste à défaut d’avoir accompli aujourd’hui leur devoir de fidèles, le tram de secours finit par arriver, comme un improbable messie destiné à sortir de leur inertie les quelques tonnes de voyageurs exaspérés et rétifs qui campent sur leur position. Parce que la police, elle, ne vient pas. L’un des passagers rigole : elle a dû prendre le tram pour venir nous déloger, hahaha. Bonne ambiance dans la rame. Ça sent l’occupation d’usine, la prise en otage de patrons détestés, la grève générale. Tenez bon, camarades, le peuple vaincra. On n’arrache pas de pavé, mais on a quand même eu pour quelques minutes un drapeau, orange, orné d’un Mickey toujours souriant, en laine synthétique. Et puis, miracle, Hicham revenu à son poste de commande, ne commandant plus rien du tout, espérant seulement que le rail-route le poussera à petits feux jusque vers le PCC aux allures de foyer confortable, se laisse porter par l’espoir, et effectivement la rame peu à peu se met en branle.

Soupirs de soulagements et cris d’espoir dans les wagons. Les résistants qui ont refusé d’abdiquer la souveraineté de leur titre de transport se sentent fortifiés dans leur choix courageux. Ils ont eu raison de se battre. Des sourires satisfaits sous des moustaches, derrière des voiles sévères. Quelques insouciants bavardent à tort et à travers, commentant l’aventure, rappelant l’épouse inquiète, le patron mécontent : j’arrive. Le présent à valeur de futur proche n’a jamais été aussi fourbe. D’autres passagers, résignés à tout, ne daignent pas manifester plus d’émotion que lorsque le tram ne bougeait pas : la joie est tout aussi futile que la désolation. Ce seront les derniers à quitter le wagon, ou bien peut-être ceux qui sortiront d’un même pas digne et empreint de lenteur à la station suivante, ceux qui auraient gagné plus de deux heures à parcourir à pied les cinq cent mètres qui les séparent de leur destination, mais ne bougeront pas de leur siège tant qu’ils n’y seront pas. Et ne bougeront pas tout court, si la station promise est encore un peu plus loin.

Car si on parcourt quelques mètres d’un pas allègre et léger, que le doux bruit des roues glissant sur les rails d’acier donne à cette reprise du trafic pleine d’allant un air de normalité, si le mouvement retrouvé rompt avec le morne accablement de l’immobilité forcée, et qu’on arrive à la station Avenue de la Longue Marche comme on foulerait le sol d’une terre promise, se délestant de quelques passagers pour en reprendre beaucoup d’autres dans un mouvement rassurant, croissant, marqué par la régulation du trafic, en somme, l’optimisme est de courte durée : après l’Avenue de la Longue Marche une pente insidieuse commence, qui n’en finira de monter jusqu’à la Fourche. Et là, le rail-route déclare forfait. On ne peut pas aller plus loin.

Une fois de plus, les passagers sont sommés de descendre. Les taxis, les bus peuvent assurer la suite du voyage. Par pitié, messieurs-dames, nous ne pouvons pas savoir pour combien de temps nous sommes bloqués ici. Les manœuvres peuvent être dangereuses. Nul ne bouge : de nouveau, le peuple entre en résistance, et se voit trimballé d’une voie à l’autre, d’une station à l’autre à mesure que Mathieu, débordant d’inventivité, expérimente de nouvelles solutions techniques, absolument seul dans la débâcle générale devant la désaffection hebdomadaire de son équipe. A défaut de pousser ce tram – et les deux autres qui restent bloqués, naturellement, ensuite- jusqu’à sa destination, on va tenter de le remiser jusqu’au PCC, un peu plus près, le temps de se débarrasser de ces encombrants passagers et de réparer le réseau électrique, puisque le problème ne semble venir de là. A moins que la couverture n’ait endommagé les caténaires. A moins que ce ne soit ce ramassis d’emmerdeurs qui n’émette des ondes négatives empêchant le tram de rouler, à force de s’opposer de toute la force de leurs corps agglutinés, de leurs pieds mal chaussés, de leurs mètres cubes d’humanité renâclante. Alors on les emmène au terminus, on les met dehors puisqu’on ne peut pas continuer plus loin, et après on répare tranquille. Quitte à y passer la nuit s’il le faut, mais sans leurs menaces, leurs railleries, leurs questions, leurs tentatives de trouver des solutions complètement incongrues- un jeune illuminé vient de proposer de brancher le caténaire sur le secteur, avec une grande rallonge, sur la partie du parcours où l’électricité ne passe pas ; quant à la grosse bonne femme qui s’est évanouie dans le wagon de queue, on jurerait qu’elle fait exprès de refuser de s’asseoir et de s’abreuver pour emmerder la Subtram…

Soudain, Mathieu extatique annonce à Hicham que les deux tramways qui étaient aussi en rade sur la ligne, à cause de cette portion du parcours mystérieusement hors tension, se sont remis en marche sans aucune explication rationnelle, et ont passé sans encombre la place de l’Indépendance (pourtant, en signe de protestation contre la désorganisation urbaine que provoque la Subtram et ses incidents à répétition, il paraît qu’une campagne s’est soulevée, que des centaines de couvertures, tapis- couvre-lits, nappes, draperies, serviettes de bain pendent de toutes les fenêtres, sèchent sur tous les balcons, menaçant directement la sécurité des rames). Elles filent maintenant, l’une vers le PCC et la Fourche, l’autre vers la mer. En apprenant la nouvelle, Hicham à nouveau se sent frappé d’une malédiction et lève la tête, voyant alors à quelle vitesse se propagent nouvelles et exhortations, rumeurs et modes, alors que lui reste désespérément inamovible devant la pente qui s’élève doucement sous ses yeux, à l’avant du rail-route qui le remorque. Fenêtres et balcons se sont ouverts et laissent pendre de grandes pièces de tissu de toutes les couleurs comme autant de menaces contre sa personne. Du rouge, du vert, du blanc, du bleu, du jaune, des imprimés léopard et des couettes à grosses fleurs, des personnages de dessin animé, Dora l’exploratrice et Batman, Spiderman et Ben Ten le menacent, martials et pleins d’entrain dans le même silence glacé de ces milliers de fenêtres ouvertes, tandis que d’autres fenêtres ouvertes, d’autres menaces fusent des wagons du tram. Les voyageurs, forts de la solidarité de toute la ville, exigent réparation pour les heures perdues à attendre, et leur patience millénaire tend à devenir force de lutte : encore quelques minutes, et ils exigeront du sang. Les draps sinistrement pendent, un rideau s’envole aérien vers la mer que son tram n’atteindra jamais, Hicham voit sa vie défiler sur les rails immobiles, l’étroitesse de leur horizon, la rigidité de l’espace entre les deux lignes parallèles qui marquent son commencement et sa fin.

Si le rail-route fait défaut, il ne reste plus qu’à réparer le réseau électrique. Seul espoir à quoi s’emploient quelques techniciens qu’on a tirés de leurs prières ou de leur repos, et qui s’activent de leur mieux, malgré la clameur grandissante des draperies aux fenêtres, des menaces de voyageurs, du soleil ardent sur leurs épaules, du risque de tomber des lignes ou de griller d’une maladresse de ceux restés en bas : un qui remet un peu vite sous tension le réseau, un qui tend une pince un peu difficile à attraper, un moment d’inattention et non seulement le tram ne repartira jamais, mais tout laisse à croire que s’il le fait, ce sera en leur passant sur le corps. Alors qu’en hauteur quelques malheureux sommés de faire vite retendent des câbles et bricolent des rustines de haute tension, aidés par ceux d’en bas qui bidouillent dans l’énorme compteur électrique, au téléphone avec un rescapé du PCC, le gardien du parking,  qui essaie de trouver dans quelle partie du bâtiment les tableaux électriques régissant l’ensemble du réseau peut bien se trouver, Mathieu s’agite encore, donne des ordres dans toutes les stations, organise les flux et reflux et contre-flux alors que la débâcle du PCC l’empêche de connaître la position exacte et la vitesse de chaque rame en service : lui aussi en équilibre précaire, il arpente un quai, donnant au mouvement de ses jambes l’impression de faire marcher tout le réseau, alors que la moindre erreur de localisation, de direction ou de temps passé à quai par un conducteur risque de pousser l’une vers l’autre à toute  volée des rames entières pleines de passagers innocents.

Enfin, innocents… Moins les réparations avancent, plus Hicham sent croître en lui l’angoisse : seul, absolument seul à résister à l’assaut furieux des quelques deux cents passagers qui refusent de sortir, agrippés à la barre de leurs prérogatives de clients, il doit garder la tête haute face aux milliers de tissus de toutes les couleurs, comme autant de langues de feu qui l’insultent et lui crient des imprécations. Un homme a agrippé sa veste quand il a tenté de venir expliquer la situation. Il est revenu, tremblant, encore plus inerte sur ses jambes flageolantes, dans sa cabine. Il en est certain désormais : si le tram n’avance pas, si le sien seul désormais est bloqué, si tout le trafic se résout à cette impossibilité d’aller plus loin, à ce point sur lequel tous les regards haineux du monde se fixent, c’est que l’électricité ni les pentes ni quoi que ce soit de rationnel n’explique la situation : la seule cause de cette immobilité dans laquelle il mourra, fait comme un rat, sous la vindicte populaire, c’est la haine du peuple à son égard. Les tensions portées par les cris et les murmures et la force d’inertie de cette masse populaire, à n’en pas douter, ont court-circuité la volonté de la machine : et il reste prisonnier de son devoir, seul enfermé à la tête du wagon derrière le train-rail énorme et immobile.

A dix-sept heures quarante-huit, la fée électricité est revenue de son pas ailé. L’ensemble du réseau est désormais sous haute tension. Personne encore n’est mort, en dépit des multiples occasions qui auraient permis aux plus téméraires de se débarrasser de leurs fardeaux : pas une électrocution, pas une chute, pas un suicide sur les rails, pas un étouffement dans les rames, pas une rixe entre voyageurs et agents de station ou conducteur, pas une crise cardiaque, rien.

Le rail-route et le tramway d’Hicham reprennent l’un après l’autre leur route, enfin. Le soir tombe, les ménagères ont rentré le linge sec et rangé les couvertures dans les armoires, qui fleurent bon le soleil d’un jour d’été. Les passagers, satisfaits et fiers, se disent qu’ils en ont eu pour leur argent : le prix d’un voyage est assez élevé pour ne pas laisser les petits chefaillons de gare les priver de leurs droits au moindre pépin. Dans une demi-heure, les derniers descendront au terminus, leur destination, et pourront reprendre le cours normal de leur existence après ces cinq heures d’attente. Rares sont ceux qui ont su, finalement, tenir jusqu’au bout, et il y a de quoi friser ses moustaches et se redresser un peu : les jambes en plomb mais le front altier, les derniers résistants ont su prouver de quoi était capable un homme : le tram les a emmenés là où ils voulaient. C’est ça, la modernité.

Avant de rentrer à la maison, Mathieu a un certain nombre de problèmes à régler ; avec ces cinq heures de retard, tout le roulement des agents doit être repris. Il faut sanctionner celui qui est parti au bout de deux heures, et qui a laissé sur place son tram pour rentrer à pied chez lui. Il faut que tous ceux qui ont passé des heures à attendre de prendre leur service au PCC soient marqués comme présents, mais qu’on indemnise ceux qui ont fait des heures supplémentaires en conséquence. Le pauvre Hicham, par contre, il faudrait lui conseiller des vacances, il n’est plus très opérationnel. Il faudra communiquer aussi, et appeler Nadia pour lui préparer le compte-rendu de ce qu’elle devra dire aux journalistes locaux. Et taper le rapport pour la direction quand elle rentrera de week-end.

Il est dix-neuf heures : encore une belle journée d’été qui se termine.

 

linge-au-balcon

 

 

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  • En lisant, en écrivant, en moins bien: ce blog est un journal, qui mêle réflexions personnelles à partir de livres et essais de fiction, mêlant sans prévenir le vrai et le faux, dont j'essaie ici de comprendre comment ils créent de la littérature.
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